Combien de temps nous reste-t-il ?
Il y a des êtres qui donnent tout,
jusqu’à leur propre vie.
Ce texte est de loin le plus difficile que j’ai eu à écrire jusqu’ici.
Parce qu’il touche à l’origine.
Parce qu’il parle d’elle.
Ma mère.
Mon tout.
Ma vie.
Où sont les mots justes pour dire cet amour ?
Comment rendre hommage à cet être aussi discret que lumineux ?
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7 mai 1991. 01h00 du matin. Nice.
La nuit caressait les toits,
la douceur était partout,
mêlée à une brise légère, un peu humide,
comme un secret murmuré par la mer.
Et à la rythmique paisible des vagues
s’accordait un nouveau souffle.
Le mien.
Pour la toute première fois, je voyais ton visage.
D’abord tes yeux — mon premier voyage.
Un mélange subtil de toutes les mers,
et du silence bleuté des cimes,
là où le ciel touche la terre.
Pour toujours, j’aimerai cette couleur.
Puis, le rose de tes joues, de tes lèvres.
L’infinie tendresse de ton sourire.
Tes traits délicats, la douceur de tes gestes.
Et déjà, l’éphémère niché dans l’éternité.
Je le réalise seulement aujourd’hui,
dans chacune de mes œuvres, c’est toi.
Dans ces bleus doux, ces roses poudrés, ce blanc presque silence,
je te retrouve.
Les mêmes teintes que je choisissais déjà, enfant,
quand je dessinais sans savoir.
C’était toi, toujours.
Toi qui passais entre les lignes,
toi qui veillais derrière les couleurs.
On avait su prolonger notre fusion d’une semaine.
Et, résignées, on avait choisi cette date.
Il aura fallu nous séparer de force.
Tu poussais sans conviction,
Et déjà, je choisissais la lenteur.
Faire durer, ne rien presser.
Soudain, une succion inversée, douce et ferme sur ma tête.
Une pression ronde, sourde, qui m’arrachait résolument à toi.
C’était la fin d’un temps.
Un temps rien qu’à nous.
Celui d’un partage absolu,
d’un corps offert,
d’une présence continue.
Mais surtout, celui d’une vie.
Une vie déjà partagée.
Il y a eu tes mains dans mes cheveux mouillés,
la chaleur d’une serviette,
et ce geste quotidien devenu sanctuaire.
Il y a eu ta voix douce qui rassure,
tes silences pleins de présence.
Les matins pressés, les soirs partagés,
les jours ordinaires devenus refuge.
Il y a eu ton souffle dans le froid,
tes jambes qui pédalaient contre le vent,
des matins d’hiver où tu partais travailler,
avec pour seule armure ta volonté.
Il y a eu tes rêves rangés dans un coin de tiroir,
ces ailleurs que tu n’as pas rejoints,
ces histoires que tu n’as pas écrites,
pliés avec soin parmi les lessives.
Tes élans mis en pause,
pour que les miens prennent leur envol.
Il y a eu des gestes simples,
remplis d’un amour immense.
Des peurs muettes, des joies timides,
des bras toujours ouverts — même quand je te repoussais.
Il y a eu des éclats, des silences,
des maladresses que je porte encore.
Des refus, des mots qui piquent,
des fuites. Des oublis.
Et ton amour inconditionnel les a tous pardonnés.
Sans le dire. Juste en aimant.
Tu m’as appris la patience sans l’enseigner,
la tendresse sans les discours,
le courage sans les leçons.
Tu m’as transmis la beauté du soin,
et ce silence profond dans lequel grandit la confiance.
Tu m’as appris la force discrète,
celle qui ne fait pas de bruit.
Tu m’as transmis l’art de tenir,
et celui, plus rare encore, de garder le cœur ouvert sous l’orage.
Je ne saurais jamais
où finit ce que je suis
et où commence ce que j’ai reçu de toi.
Mais je le porte. Partout. Toujours.
Comme un souffle ancien
qui éclaire mes pas.
Maman,
Combien de temps nous reste-t-il ?
Je ne sais pas.
Mais je veux te le dire maintenant,
avant que les jours ne me volent cette chance :
Tu es de celles qu’on oublie trop souvent de célébrer.
Tu es une femme merveilleuse.
Tu es rare.
Tu es forte.
Tu es douce.
Tu es drôle.
Tu es inspirante.
Et tu m’as aimée d’un amour si profond, si immense,
qu’il m’habite encore, partout.
Tu m’as portée, et tu m’as tenue debout.
Tu m’as appris l’amour dans sa forme la plus loyale.
Tu m’as appris à aimer sans rien attendre.
Je veux que tu saches, ici et maintenant,
que ton amour a été suffisant.
Plus que suffisant.
Il a été tout.
Il m’a portée.
Il m’a sauvée.
Il m’a façonnée.
Dans chaque image que je crée, dans chaque mot que j’écris,
il y a ta trace, ton empreinte, ton souffle.
Et dans chaque regard que je pose sur le monde,
il y a un peu de toi.
Tu es ma lumière silencieuse.
Ma première maison.
Mon socle.
Mon courage.
Ma mère.
Combien de temps nous reste-t-il ?
Jamais assez, je le sais.
Mais peut-être encore un peu…
Pour te dire merci chaque jour.
Pour te serrer fort.
Pour te laisser une place dans tout ce que je deviens.
Pour t’aimer encore.
Encore — comme au premier jour.
Encore — comme si le temps ne comptait plus.
Encore.
J'adore ton écriture bravo Sarah c'est très sincère et tellement touchant, ne change jamais tu es parfaite et une artiste dans tout dont tu entreprends xx
Oh merci infiniment Natalia. Tu ne peux pas savoir combien ça me touche ! C’est le genre de retour qui donne du sens à ce que je fais ! Merci de tout coeur !
Très bel hommage où je reconnais bien ta maman et où je la découvre aussi. Merci Sarah pour ta maman et les autres mamans.
Merci beaucoup pour ce retour. Je suis contente si vous la reconnaissez bien dedans.
Merci d’avoir laissé un commentaire, ça me donne la motivation de continuer d’écrire et de partager mes écrits. 🙂